05 Juin Vieillissement et conservation du vin rosé
Le vieillissement du vin rosé, ou plutôt son incapacité à vieillir, tient une excellente place dans le top 10 des préjugés sur le vin !
Certes, la tendance actuelle est à la consommation d’un vin rosé jeune pour ses arômes fruités et sa fraicheur. On le qualifie de « vin plaisir » plutôt destiné à l’apéritif ou au barbecue, l’été entre amis au bord de la piscine… Il arrive même que certains ne le considèrent pas comme un vrai vin et dévalorisent sa qualité, au motif qu’il ne peut pas se conserver au-delà d’une année.
Rappelons tout de même que la Provence puise ses techniques de fabrication du vin rosé dans l’Antiquité. À cette époque, on consommait un vin clair dont les techniques de vinification étaient différentes. C’est ensuite au XVIème siècle que le terme de « vin rosé » est apparu pour entrer dans le langage courant. Depuis lors, ce vin est issu des mêmes cépages que les vins rouges et blancs dont les qualités de garde ne leur étaient pas réservées !
L’engouement pour le vin rosé jeune à consommer dans l’année, date du début des années 2000. L’essor a été tel que les consommateurs ont imaginé que l’incapacité de vieillissement du vin rosé en est une propriété intrinsèque. Or, il existe des vins rosés de garde millésimés. Bref, il n’y a pas que le rosé de l’année dans le rosé !
Alors, comment ce vin peut-il avoir des capacités de vieillissement ? Tout dépend de sa méthode de vinification et du cépage.
La vinification
Pour bien comprendre, arrêtons-nous un instant sur la vinification. Transformer du raisin en vin est une opération qui comporte 5 phases essentielles mais dont l’enchaînement diffère selon le type de vin recherché :
L’éraflage (ou égrapage)
Une fois les vendanges terminées, les grains de raisin sont séparés de toutes les parties végétales de la grappe que l’on appelle « rafle ». Cela permet d’éviter les goûts herbacés dans le vin.
Le foulage
Grâce à une légère pression, la peau des grains est éclatée pour en libérer le jus.
La macération (ou la cuvaison)
C’est le période où le mélange de jus et de résidus solides macère en cuve pendant un temps défini pour libérer ses composés phénoliques et ses arômes. La macération va également donner au vin la couleur souhaitée.
Le pressurage
Il s’agit d’une opération de pression destinée à séparer le jus de la peau et des pépins. Ce mélange devient le moût.
La fermentation
C’est le processus chimique naturel d’alcoolisation sous l’effet des sucres contenus dans le raisin.
Le déroulement de ces étapes, le temps de leur réalisation ou encore les méthodes utilisées dépendent du savoir-faire du vinificateur. Ils constituent les secrets de fabrication qui font la particularité de chaque vin.
Le vin rosé jeune : un vin de pressurage direct
La coloration rouge vient des pigments naturels de la peau des baies de raisin noir. Le temps et la température pendant lesquels le jus de raisin, quasiment incolore, sera en contact avec ces tanins donnera sa couleur au vin. C’est également le tanin qui donne le goût et la capacité de conservation.
De ce fait, le temps de cuvaison doit être assez long pour donner la pigmentation de vin rosé souhaité, mais pas trop pour que les tanins ne retirent pas la souplesse au vin. La macération doit donc être courte pour préserver les arômes.
Avec cette méthode de pressurage direct, la maturité optimale du raisin est recherchée pour conserver toute la vivacité et la fraîcheur aromatique. Ainsi, l’absence de tanin diminue la capacité de conservation de ce vin qui devra être consommé plutôt rapidement. Dans le cas contraire, il perdra éclat et fraicheur.
Le vin rosé de garde : un vin de saignée… mais pas que !
La couleur du vin dépend donc directement de la macération. Le vin de pressurage direct donnera un vin pâle, couleur pêche ou litchi. Un rosé plus foncé, de couleur fuchsia ou groseille, est issu d’une macération plus longue. On parle alors de vin de saignée. Les méthodes de réalisation se rapprochent de celles utilisées pour le vin blanc, avec un raisin vendangé à une maturité plus avancée.
Le vin rosé de saignée est moins sensible à l’oxydation compte tenu de la quantité de tanin, et donc une capacité de garde supérieure au vin rosé de pressurage direct. Par conséquent, la durée de conservation peut dépasser plusieurs années. Certains millésimes de l’appellation Bandol ont même plus de 10 ans ! Mais le plaisir de la dégustation ne sera plus porté sur la fraicheur ou l’arôme fruité. Destiné à des palais plus avertis, ce vin aura des notes plus corsées et épicées, plus de structure.
Néanmoins, tous les vins rosés de garde ne sont pas des vins de saignée !
Le mourvèdre, cépage typique de l’appellation Bandol très tanique, donne un vin rosé raffiné et très structurant, favorable à la garde. De plus, une proportion appropriée de mourvèdre lors du mélange avec d’autres cépages, tels que le cinsault ou le grenache, lui confère une capacité de conservation plus longue. Or, ces vins rosés de garde issus du mourvèdre restent anormalement méconnus du grand public.
La ferme auberge de La Font des Pères au service de la découverte des vins
Au cœur de cette terre ancestrale de Provence, première région française productrice de rosés AOC, les vins de Bandol se sont construits sur une dominante de mourvèdre donnant des vins rosés puissants. Le domaine de La Font Des Pères unit son cépage mourvèdre au grenache et au cinsault pour un relief aromatique unique de son vin rosé. La structure typique du mourvèdre, associée à un élevage en barrique pour 10 à 15% du volume favorisant une longue garde, permet de faire évoluer son rosé vers un vin de gastronomie.
Aussi, ayant à cœur de faire découvrir la véritable valeur de son vin rosé de garde, le domaine propose de le déguster à la table de sa ferme-auberge… à l’aveugle ! Vous pourrez laisser ainsi vos sens décider par eux-mêmes. Et un vin rosé millésimé 2016 peut réserver bien des surprises face à son petit frère rosé de l’année…